Ciné muet inspiré de Dante Alighieri accompagné sur 2 orgues

Dans ce format très particulier, Elisabeth Hubmann (organiste titulaire à St-Paul) et Quentin Guérillot (organiste titulaire à la cathédrale-basilique de St-Denis/Paris) accompagneront un film muet avec les seules ressources des deux orgues de St-Paul. Ils s’inspireront du répertoire d’orgue italien des 16e et 17e siècles dans des improvisations spontanées qu’ils vont mélanger avec leurs propres visions d’une musique de film à l’orgue. Ils utiliseront également des parties de ce répertoire écrit pour accompagner un film extraordinaire en son genre.

« L’Inferno » est un chef-d’œuvre à couper le souffle. Il s’agit d’une adaptation de la divina commedia de Dante Alighieri réalisée par les réalisateurs italiens Giuseppe Berardi et Arturo Busnego en 1911. La descente aux enfers de Dante est retracée en choisissant quelques moments forts : l’apparition de Béatrice à Virgile, la traversée de l’Achéron, la rencontre avec Paolo et Francesca, avec le géant Antée, avec les égarés et les prodigues.

La paroisse St-Paul propose une projection de « L’Inferno », film muet italien de 1911, accompagné musicalement sur les deux orgues de l’église par Elisabeth Hubmann, cotitulaire à la paroisse, et Quentin Guérillot, titulaire de la Basilique Cathédrale de St-Denis (Paris). Petit entretien avec ces deux jeunes artistes de grand talent

Quelle a été la genèse de ce projet de ciné-concert ?

Elisabeth : « J’avais vu, au hasard de mes navigations sur le net, ce film qui m’avait interpellée immédiatement pour son style à la fois modeste et expressif. Une version proposait un accompagnement musical aux synthétiseurs, donc dans un langage « contemporain », et cela m’a donné l’idée de proposer une version musicale mélangée avec des improvisations et du répertoire d’orgue moderne et ancien, notamment de la Renaissance en Italie, pays de Dante. »

Elisabeth Hubmann, cotitulaire de St-Paul

Quentin : « Dante a été, dans son siècle, l’inventeur de la langue italienne. Il a créé les codes d’une langue qui s’est diffusée dans la péninsule par le haut – la noblesse, et donc également les artistes – et cette langue a produit une poésie qui fut déterminante dans l’histoire de la musique. Frescobaldi et Monteverdi, pour ne citer que ces deux noms illustres, ont été en quelque sorte les héritiers et successeurs musicaux de Dante, à l’époque florissante de la forme musicale la plus importante de la musique italienne du 16e siècle : le madrigal. Or, les tableaux exprimés par le poète florentin, et mis en scène dans ce film, ont un lien quasi génétique avec la musique de la renaissance italienne. De là, l’idée de concevoir un accompagnement faisant la part belle à ce répertoire. »

Comment la trame musicale s’est-elle construite ?

Elisabeth et Quentin : « Nous avons choisi pour commencer des pièces du répertoire ancien, et nous y a avons ajouté des passages tirés du répertoire moderne, en prenant soin de garder toujours un lien avec le style ancien. À ces pièces s’ajoutent beaucoup de parties improvisées, pour assurer le liant et certains effets. »

Quentin Guérillot, titulaire de la basilique cathédrale de Saint-Denis (Paris)

Et quelle a été votre méthode de travail en commun ?

Quentin : « Premièrement, nous avons visionné le film, plusieurs fois, pour l’avoir à l’esprit.

Elisabeth : « Puis nous avons échangé, discuté, parfois même négocié, pour choisir les pièces du répertoire qui seraient à même d’accompagner de manière optimale la projection. »

Quentin : « La majeure partie de ce travail s’est faite ‘’à la table’’. Travailler devant un clavier sur un banc d’orgue nous aurait demandé des dizaines d’heures, un luxe que nous ne pouvions pas nous permettre. »

Elisabeth et Quentin : « Nous avons effectué le minutage, les déplacements entre les deux orgues et la répartition des sections avant de nous mettre aux instruments et de faire plusieurs filages nous permettant d’affiner notre travail. »

Souhaitons à cette heureuse initiative, qui trouve à la fin du Carême le temps idéal pour sa mise en œuvre, un large succès !

(Propos recueillis par Frédéric Monnin)