J’ai une affection particulière pour l’évangéliste Matthieu, ce collecteur d’impôts qui se laissa un jour « happeler » par Jésus, alors qu’il avait jusque-là passé sa vie à arnaquer ses semblables en abusant de son statut.
Matthieu écrit son récit évangélique à l’intention des Juifs, et la seule lecture de ses deux premiers chapitres éclaire d’une lumière tout à fait essentielle le mystère de l’Incarnation : généalogie du Christ depuis Abraham, la lumière qui se lève pour un peuple, l’exode en Egypte (… par un certain… Joseph, un roi infanticide, le retour en Galilée… cela ne vous fait-il pas penser à un autre récit biblique ? Jésus, nouveau Moïse…
Si l’on revient au passage que nous lisons ce dimanche, nous voyons que c’est le prophète Michée qui, vers l’an –700, prédit que cette Lumière, qui s’est levée à l’Orient pour éclairer une humanité captive des ténèbres, pour guider les bergers et les mages, est bien le signe qui annonce la naissance du Rédempteur.
Épiphanie… Manifestation de Dieu, rayonnement de Sa Gloire qui transforme notre humanité aveugle, et surtout aveuglée par le péché. Humanité représentée sous les traits de mages à qui la Tradition a donné des peaux de couleurs différentes, pour mieux signifier que ce jour, c’est le monde entier , puissants compris, qui se prosterne devant ce chétif Roi de l’univers. C’est toute la science des hommes qui contemple le mystère insondable d’un amour sans lequel elle serait totalement vaine. Mais, me direz-vous, que diable allaient-ils faire dans cette galette ?
Eh bien, j’aime à me représenter que la fève, c’est Jésus, et que la galette, c’est le monde (Galilée m’aurait probablement contredit, mais lui, il n’a jamais goûté à ma galette maison…) Placer la fève proche du bord, c’est préférer un Jésus de pacotille, voire de cotillons, et opter pour la voie sans avenir du « chacun pour soi ». À contrario, placer la fève en plein centre de la galette, c’est forcer le destin : la lame du couteau la dispersera immanquablement en plusieurs morceaux. Mais n’est-ce pas là précisément le chemin que nous invitera à emprunter ce petit enfant une fois adulte : « Dieu pour tous »? Jésus s’offre, et combien plus : plutôt que  porter seul une couronne qui lui reviendrait de droit, il nous invite à la porter avec lui, puisque le baptême fait de nous les coopérateurs de son sacerdoce royal.
Il est encore temps de prendre une bonne résolution pour cette année, que nous vous souhaitons par ailleurs heureuse! Voici une proposition : mettons-nous à la place des bergers, à celle des mages, et cessons de nous laisser aveugler, comme Hérode, par notre orgueil et notre peur de perdre le peu que nous possédons en réalité (cf. vanitas vanitatis). Mettons toutes nos énergies à remettre la fève au milieu de la galette! La moindre particule de l’univers a besoin de Sa Lumière. Si on passait au dessert ?
Frédéric Monnin

* … et les brebis seront bien gardées…