Premier des vitraux de la galerie supérieure de l’église St-Paul, oeuvres du peintre Maurice Denis
par Frédéric Monnin
Contrairement aux traditions des Églises orientales qui les distinguent, Marie-Madeleine, Marie de Béthanie, ainsi que la femme pécheresse (Lc 7,36-50) sont considérées comme étant une seule et même personne en Occident depuis le VIIe siècle. On admettra donc ici que Marie-Madeleine est bien la sœur de Marthe et de Lazare.
La scène se situe dans un port. Les personnages débarquent visiblement, et un personnage en bas à gauche porte un bagage. Un port provençal selon la légende…
À gauche, Marie-Madeleine. L’artiste lui attribue « la meilleure part » (cf. Lc 10,42). D’autres détails permettent de l’identifier : le flacon et les cheveux longs, cités dans les épisodes durant lesquels Jésus se voit parfumer, puis essuyer les pieds avec les cheveux, par la femme pécheresse en Lc 7 et par Marie de Béthanie en Jn 12,3.
À droite, Marthe porte des chaussures dont on distingue très clairement la pointe rouge. Détail qui, dans l’iconographie orientale, est l’un des attributs des vierges. Si elle porte des chaussures rouges, elle ne peut pas être une « femme de mauvaise vie »… et le rouge vif utilisé ne laisse que peu de doute sur l’intention de Maurice Denis.
Lazare figure-t-il également sur le vitrail ? Peut-être en la personne chargée d’un bagage, en bas sur la gauche…
Le cadre du vitrail donne une lecture plus poétique, largement empruntée à la « légende dorée » de la Provence. Une de ces belles histoires dont seule la cité phocéenne a le secret. Une légende qui fait de Lazare l’évangélisateur de Marseille, de Marthe celle de Tarascon, et de Marie-Madeleine l’ermite de la Sainte-Baume, après que la fratrie de Béthanie a traversé la Méditerranée pour accoster aux Saintes-Maries-de-la-mer.
La tour pourrait être la façade de l’église crénelée des Saintes-Maries-de-la-Mer mais, plus vraisemblablement, la tour carrée du fort Saint-Jean à l’entrée de la rade de Marseille.
Dans le haut du vitrail, l’arrière-plan est plus que suggestif. Sous le ciel ensoleillé de Provence se dessine, en bleu, la silhouette d’un massif montagneux qui ressemble à s’y méprendre à celui de la Sainte-Baume. Quand on sait que Maurice Denis était lui-même tertiaire dominicain et qu’il ne pouvait pas ignorer le lien pluriséculaire qui unit l’Ordre des Prêcheurs à Marie-Madeleine, et plus particulièrement à la Sainte-Baume où les Dominicains sont présents depuis 1295, on est convaincu qu’il s’agit bien de Marie-Madeleine !
Un clin d’œil prophétique de l’artiste, quelque 35 ans avant que la communauté dominicaine fît son entrée à la paroisse St-Paul. Clin d’œil plus qu’appuyé à l’Ordre des Prêcheurs puisque Maurice Denis fut le maître du Père Marie-Alain Couturier, dominicain, artiste et acteur de premier plan du renouveau de l’art sacré en France au XXe siècle.
Qui donc nierait encore que la Providence a ses desseins… ?
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