Après avoir lu la circulaire des trois Eglises « historiques » de Genève à l’occasion de la prochaine semaine de prière pour l’unité des chrétiens, m’est venu spontanément sur les lèvres le refrain de la « Brouette d’Echallens » que nous fredonnions autrefois pour brocarder nos amis vaudois.
Lisez plutôt: « Nous choisissons de considérer l’impact positif du temps sur nos institutions et la possibilité ainsi dégagée d’un chemin commun et parcouru depuis plusieurs décennies déjà ». Autrement dit, « Hâte-toi lentement » et l’unité se fera. Sans même que tu t’en aperçoives. Patience d’ici là ! Cela prendra le temps qu’il faudra, mais nous y arriverons. Déjà toutes nos aumôneries caritatives sont œcuméniques. Reste à abriter sous le même toit nos autels et nos chaires, en prenant soin de faire sonner nos cloches à la même heure. Un « détail », diront certains.
Cet optimisme réjouissant repose sur une vision plus contestable. Nos différences ne seraient que les héritages de nos diverses « traditions », mais n’exprimeraient pas forcément nos « convictions ». Le but cherché serait donc l’uniformité plutôt qu’une unité exigeante et respectueuse. Un beau débat que nous nous aurions tort de glisser sous le tapis.
D’autant plus que nos Eglises, sans même attendre leur réunification visible, sont appelées à exprimer dès maintenant—et fortement—leur foi et leur conviction au Dieu de Jésus-Christ. A moins de s’évanouir dans le tourbillon nébuleux des « spiritualités » à la mode et temporaires.
Nos Eglises ont d’abord été investies de cette mission. Devenues de plus en plus minoritaires, elles ont davantage de chances à faire entendre leur singularité. Encore faut-il que leur témoignage soit clair et ne se dilue pas en propos banals et sirupeux. Le monde attend de nous le courage d’exprimer et de vivre la lucidité de l’Evangile. N’attendons pas la prochaine décennie pour nous mettre à l’ouvrage. Le temps se fait court. Ce n’est donc pas au rythme de la « Brouette d’Echallens » que nous remplirons notre contrat. A moins que nous consentions à disparaître.
Fr. Guy Musy OP